LES RAZ DE MARÉE  A PENMARC'H

C'est quoi un raz de marée ?

En Français, un raz-de-marée est un envahissement exceptionnel du rivage par la mer, une submersion marine, produit par une lame de tempête, un tsunami ou un plissement sous-marin. Le terme est donc très imprécis. On désigne couramment par raz-de-marée tout envahissement soudain du rivage par la mer, bien que ce terme soit parfois restreint aux seuls tsunamis. Il y a deux différentes causes aux raz-de-marée :

  • Les raz de marée d'origine tellurique ou tsunamis, provoqués par une instabilité brusque du plancher océanique résultant d'un séisme, d'une éruption volcanique ou d'un glissement de terrain. Les vagues qui en résultent sont très meurtrières.
  • Les raz de marée d'origine météorologique, provoqués par les ondes de tempête et surcotes provoquées par la concommitence entre direction du vent, intensité de la dépression, fort coefficient de marée et heure de marée haute.
Les raz de marées sur les côtes Bretonnes entre 1896 et 1924 relatés ci-après sont des raz de marée d'origine météorologique.

Nombre des grands quotidiens de la presse font appel à l'agence de presse Havas (fondée en 1835) et reproduisent intégralement ses nouvelles et reportages, apportant peu d'informations nouvelles. Pour les autres, certains de leurs reportages font plus penser à un exercice littéraire qu'à un reportage comme on l'entend maintenant : Un fait, un minimum d'informations et des envolées lyriques.

LE RAZ DE MARÉE DU 4 DÉCEMBRE 1896 

Le Raz-De-Marée De Décembre 1896 Relaté Par :

Le Monde Illustré du 12 Décembre 1896


La tempête sur les côtes de l'Océan


— On affirme que jamais on ne vit encore tempête semblable à celle qui s'est déchaînée de vendredi à samedi dernier. 

A Penmarch où le sémaphore et la commune ont été partiellement inondés, des barques ont été transportées, loin au milieu des terres.

45 bateaux de pêche ont sombré. On n'a heureusement aucune mort à déplorer ; mais les pertes matérielles sont considérables. 

Sur toute la côte enfin des accidents, presque des désastres se sont produits, causant des ravages et des pertes irréparables. 

 

Le Raz-De-Marée De Décembre 1896 Relaté Par :

Le Journal du 5 Décembre 1896

LA TEMPÊTE

Brest. Une épouvantable tempête s'est abattue sur la région. Le baromètre est descendu à 720. Depuis 1762, jamais il n'était descendu si bas. La mer est très grosse.


Le Journal du 6 Décembre 1896

LA TEMPÊTE

La tempête que nous avons annoncée hier a causé de nombreux sinistres maritimes. Voici, comme complément à nos premières informations, la note qui nous est communiquée.

Le ministre de la marine a reçu une dépêche du commissaire de l'inscription maritime de Quimper lui rendant compte des désastres causés par la tempête qui a sévi sur les côtes de Bretagne. La marée de nouvelle lune, poussée par un vent violent de Sud-Ouest, a inondé une partie de la commune de Penmarck. Les communications télégraphiques du sémaphore sont interrompues. Les maisons des guetteurs, dont les portes ont été enfoncées par des bateaux, sont remplies d'eau. Les femmes et enfants ont dû se réfugier dans les greniers.

Quarante-cinq bateaux de pèche ont sombré.

Beaucoup sont venus à la côte. On n'a heureusement pas d'accidents de personnes à déplorer, mais les pertes matérielles sont considérables.
En présence de cette pénible situation, le ministre a donné l'ordre au commissaire de l'inscription maritime de Quimper de se rendre aujourd'hui à Penmarck et de répartir une somme de 2,000 fr. entre les familles les plus nécessiteuses.
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Une soixantaine de barques ont coulé, dit-on, à Penmarch.  


Le Journal des débats du 7 Décembre 1896

LA TEMPÊTE

Le ministre de la marine a reçu hier soir une dépêche du commissaire de l'inscription maritime à Quimper, lui rendant compte des désastres causés par la tempête qui vient de passer sur nos côtes de Bretagne.

La marée de nouvelle lune, poussée par un vent violent de Sud-Ouest, a inondé une partie de la commune de Penmarc'h ; les communications télégraphiques du sémaphore sont interrompue. Les maisons des guetteurs, dont les portes ont été enfoncées par des bateaux, sont remplies d'eau, les femmes et les enfants ont dû se réfugier dans les greniers. Quarante-cinq bateaux de pêche ont sombré ; beaucoup sont venus à la côte. On n'a heureusement aucune mort à déplorer mais les pertes matérielles sont considérables, surtout pour cette population de pêcheurs.

Le ministre a donné l'ordre au commissaire de l'inscription. maritime de Quimper de se rendre aujourd'hui même à Penmarc'h et de répartir une somme de 5000.fr. entre les familles les plus nécessiteuses. Le Président de la République vient de mettre à la disposition de M. le ministre de la marine la somme de 500fr pour être distribuée, par ses soins, aux familles des marins de Penmarc'h dans la détresse.

 

Le Gaulois du 7 Décembre 1896

A Penmarch, la tourelle située sur la roche La Plote, près du phare La Vieille, et qui est élevée de huit mètres au-dessus des hautes mers, a été arrachée et a disparu.


Le Gaulois du 8 Décembre 1896

Les dépêches nous ont donné les détails navrants du raz de marée qui vient de causer tant de sinistres sur nos côtes, notamment à Penmarc'h, à l'extrémité sud-ouest du Finistère. Ce n'est pas le bourg de Penmarc'h, situé bien en arrière, qui a été envahi par les vagues, et même par les bateaux de pêche, mais le hameau de Kérity qui est proche de la mer et la domine cependant à une certaine hauteur.
Tout est abrupt, sauvage, grandiose et terrible sur cette côte incessamment battue par les grandes lames de l'Océan. La terre est là comme un cadavre rongé, déchiqueté, les os saillants à travers les chairs en lambeaux.
Ce ne sont que rochers énormes et inébranlables et anfractuosités tourmentées, ou blocs arrachés à la terre et entassés pêle-mêle, sur le rivage le plus inhospitalier du globe. Finis terrae c'est l'extrémité, la fin du vieux monde, en balcon sur l'infini, et l'Océan vient de l'Ouest, du Sud et du Nord-Ouest, battre l'obstacle avec une rage sans pareille que les écueils du large ne font que rendre plus écumante.

Le Journal du 9 décembre 1896

LA TEMPÊTE

Dans tout le Finistère, les dégâts sont considérables.
Sur l'ordre du ministre de la marine, l'amiral Barrera, préfet maritime, vient de demander télégraphiquement à tous les ports de pèche éprouvés par la tempête, des renseignement détaillés sur les dégâts, en vue de distribuer les premiers secours.
Le préfet du Finistère, M. Proudhon, visite Penmarch et les lieux inondés.  


INFORMATION COMPLÉMENTAIRES 

Ce raz de marée a été provoqué par la tempête des 4, 5 et 6 Décembre 1896. 
La concommitance tant redoutée (même de nos jours) d'un vent violent force 91 orienté Sud-Ouest lors de la marée haute (en soirée) d'une marée de fort coefficient (94) a provoqué un raz de marée dévastateur, dépassant de deux mètres les hauteurs d'eau les plus importantes. Un évènement fatal pour la localité dont bon nombre de lieux sont inférieurs de 1.50 m par rapport au niveau de mer "normal".

Lors de la journée du 4 Décembre, les vagues déferlant sur la côte dépassent les 50 mètres pendant la pleine mer.
Entre Saint Guénolé et Kérity, deux brèches sont ouvertes : Une à la Joie et l'autre au Steir de Kérity.

- Saint Guénolé est envahi par les eaux sur 38 hectares. Le quai du port est endommagé sur 50 mètres, presque coupé en deux. Au Rocher des Victimes, la tempête arrache les volets et le toit de "Kreiz ar mor" (au milieu de la mer), la maisonnette construite par Armand du Chatelier,1854. A cette époque, St guénolé ne possède pas d'ouvrages de protection vis à vis des fureurs de la mer. 


- A la Joie, la chapelle a vu sa porte arrachée et son intérieur envahi par du sable, des roches et du goémon. Le quartier de la Joie est lui aussi envahi par les eaux.

- A Saint-Pierre, le mur de protection du sémaphore est détruit sur 40 metres. Des bateaux ayant rompu leurs amarres sont retrouvés dans les terres, à 200 mètres du rivage.

- A Kérity, après une brèche dans le marais de Toul-Ar-Ster, le quartier de Kervellec est envahi par la mer sur près de 50 hectares, au rythme des marées, tout comme le sont les champs de Kervily. Tout comme à Saint Pierre, des bateaux sont échoués à 200 mètres du rivage.

Les points les plus exposés et les plus bas sont envahis par la mer, dévastant les champs et jardins, ruinant les futures récoltes en rendant les sols stériles pour quelques années. L'eau est entrée aussi dans les maisons, cassant parfois portes et fenêtres. Les routes sont impraticables. Comble : Le préfet, venu visiter la localité sinistrée, a dû se déplacer en plate, la route Le Bourg - Saint Guénolé étant submergée. Penmarc'h est (re)devenu une île !

Cette tempête, par chance, n'a pas fait de victime. Le mauvais temps des jours précédents avait obligé les flotilles à rester au port ou à hiverner. Il n'y a donc pas eu à déplorer de naufrage à Penmarc'h. Pour autant, 89 navires ont coulé sur leurs corps-morts ou bien ont rompu leurs amarres, drossés à la côte ou dans les champs, contre des édifices ou des maisons. 72 sont réparables, certains à grand frais pendant que 16 sont définitivement perdus et trop endommagés seront démolis. Voici la liste des navires tirée du journal "Le Finistère" du 12 décembre 1896 ; ce sont, par ordre alphabétique :

Notons également un 17éme canot perdu, celui-ci de Ste Marine en Combrit, qui se trouva à Penmarc'h au mauvais moment : C'est le J.C., Q1242, un canot de 0,60Tx avec pour patron, Biger .


(1) La force 9 annoncée à l'époque était attachée à l'échelle Télégraphique. Celle-ci correspond à notre époque à une force s'échelonnant de Force 9 à 12 Beaufort. L'échelle Télégraphique étant imprécise dans les phénomènes extrêmes, elle a été remplacée par l'échelle Beaufort.