LES CANOTS DE SAUVETAGE

LE CANOT DE SAUVETAGE

Dans l'histoire du sauvetage, il y eu beaucoup de types de canots à voile et avirons, différents par leur conception.


Canot Devrient

Canot Lahure


Nous ne parlerons ici que des canots redressables de 9,78 et 10,10 m construits par les chantiers Augustin Normand du Havre.


Les Chantiers Navals Augustin Normand


LE CANOT EN BOIS REDRESSABLE DE 9M78 A 10 AVIRONS

Canot 9,78 m sur son chariot


Une commission instituée par le ministre de la marine avait été chargée de procéder, à Cherbourg, à des expériences comparatives sur les divers systèmes d'embarcation connus jusqu'alors (on est en 1865 / 1866...). Cette commission s'est prononcée pour les canots du type anglais, comme réalisant les conditions de solidité, de légèreté et d'insubmersibilité que l'on devait exiger d'un canot de sauvetage.

Le plan de ce canot en bois redressable de 9,78 m a été dessiné en 1852 par Mr Peake pour la "Royal National Lifeboat Institution" (Institut National du Bateau de Sauvetage) qui l'a adopté presqu'exclusivement et lui a apporté de nombreux perfectionnements.

Ce canot, dans ses proportions ordinaires, a 9 mètres 78 centimètres de longueur ; sa plus grande largeur, prise au milieu, est de 2 mètres 24 centimètres ; la hauteur, à ce même point, de 1 mètre 10 centimètres seulement; cette même hauteur, prise aux deux extrémités, est de 2 mètres, c'est-à-dire que le bateau est sensiblement plus haut à l'avant et à l'arrière que vers le centre. Cette dernière disposition permet de placer à chaque extrémité une caisse d'un assez grand volume, hermétiquement fermée et ne contenant que de l'air. D'autres caisses à air sont en outre disposées dans la longueur du canot. Il en résulte que la lame entrant dans l'embarcation ne peut trouver place que vers le centre, d'où elle s'écoule par six tubes en cuivre. Ces tubes ont leur orifice supérieur au niveau du pont; ils sont fermés par des soupapes libres, s'ouvrant quand elles sont pressées par une force venant d'en haut, offrant, au contraire, un obstacle absolu aux forces qui viennent d'en bas, c'est-à-dire à la mer.
Ce canot est monté sur un chariot, comme le canon sur son affût ; il est alors essentiellement mobile, et, au signal d'alarme, des chevaux attelés à l'avant-train le traînent rapidement sur les points de la côte où il doit prendre la mer.

En 1866, la RNLI autorise la "Société Centrale de Sauvetage des Naufragés" a utiliser le plan Peake pour la construction de ses propres canots et assure qu'elle pouvait faire établir, d'après ce modèle, de nouveaux canots par des constructeurs français. M. Augustin Normand et la Compagnie des Forges et chantiers de la Méditerranée ont accepté la proposition, tenant à honneur de construire pour la SCSN, au simple prix de revient, des canots plus soignés encore dans leurs détails que les canots d'origine anglaise.

Les 10 premières unités seront livrées par Forrest & Son à Londres entre 1865 et 1867 pour un prix de 8.000 francs par canot et 2.100 francs par chariot, pour un total de 10.000 francs environ par embarcation complète. 31 unités seront construites par les chantiers Augustin Normand au Havre entre 1866 et 1897, et 11 autres seront construites par la Compagnie des Forges et chantiers de la Méditerranée à la Seyne-sur-mer entre 1866 et 1882.


Aspect Général et Construction Du canot

Plans du canot de 9,78 m Augustin Normand- Planche III - 1

Plans du canot de 9,78 m Augustin Normand- Planche III - 2


La coque

Le canot de sauvetage est pointu aux deux extrémités, un peu plus fin de l'arrière que de l'avant, ainsi qu'on peut le voir par le tracé des couples (pl. III, fig. 3), et sans différence de tirant d'eau. L'arrière et l'avant fortement relevés sont protégés par des tambours en dos d'âne, qui forment deux caisses à air dont l'objet sera ultérieurement expliqué.
Les dimensions principales sont :
Longueur extrême de tête en tête, an plat-bord : 9 m 780
Largeur hors bordée au fort : 2 m 242
Distance du plat-bord au-dessus de la quille au milieu : 0,915 m
Distance du plat-bord au-dessus de la quille à l'étrave : 1,650 m
Distance du plat-bord au-dessus de la quille à l'étambot : 1,605 m
Le poids total de la coque avec les caisses à air est de 2.140 kg.
Les objets d'armement : 420 kg
12 hommes d'équipage à 70 kg / homme : 840 kg
Poids total du canot armé : 3.400 kg.

La quille (B, pl. III, fig. 1, 4, 5, 6) est en chêne d'un seul morceau, reliée à l'étrave (C) et à l'étambot (D), également en chêne, par des plaques de fer entaillées de toute leur épaisseur. Une fausse quille en fer forgé d'un seul morceau (E) double le dessous de la quille dans toute sa longueur et y est fixée par des chevilles à écrous, à têtes fraisées, dont les écrous se serrent sur la carlingue. Cette fausse quille se raccorde et s'écarve avec les bandes de fer qui garnissent le dehors de l'étrave et de l'étambot. Elle pèse 294 kilogrammes,
La coque est formée de deux-couches en bois d'acajou superposées et croisées à 45° (pl. III, fig. 4, 5, 6 ; pl. IV, fig. 7). Elles ont ensemble une épaisseur de 16 millimètres et sont séparées par une toile imprégnée de glu marine ou de peinture. Il n'existe pas de membrure intérieure comme dans les constructions ordinaires. Les deux couches, l'une intérieure, l'autre extérieure, qui forment la coque sont reliées par un chevillage en cuivre composé de quatre points d'attache à chaque rencontre de deux bordages (pl. IV, fig. 7). La largeur moyenne des bordages est de 15 centimètres.
Les coutures qui les séparent ne sont pas calfatées, mais seulement garnies de coton retenu par un léger mastiquage et par la peinture.
La coque est maintenue sur la quille par une carlingue (F, pl. III) qui règne de bout en bout au fond de l'embarcation et s'appuie, dans la maîtresse partie, sur une fausse carlingue plus large. Le tout est traversé par deux systèmes de boulons à écrous, les uns traversant la fausse quille en fer, les autres traversant seulement la quille.
La coque est maintenue dans les fonds par onze varangues (V), côtes transversales en ormeau dont les branches supportent une lisse intérieure (L, fig. 6). Cette lisse et les vingt-quatre barreaux transversaux (G, fig. 1 et 4) qui s'appuient dessus portent le pont formé de bordages en frêne ou en acajou de 15 millimètres d'épaisseur. A l'avant et à l'arrière, les bordages s'appuient sur la rablure de l'étrave et de l'étambot sans massifs ni guirlandes.
Le pont (P) court de bout en bout. Son élévation aux extrémités suivant la coulure du canot tend à ramener l'eau embarquée vers le centre, où elle trouve des issues. Il est percé de trois écoutilles (h) fermées par des panneaux. Le panneau du milieu est traversé par le corps d'une pompe à main (i, fig. 6) destinée à pomper l'eau de la cale.
Les bancs (K, fig. 1, 2 bis et 6) sont au nombre de cinq, répartis à égales distances entre les coffres avant et arrière, et placés à 35 centimètres au-dessus du pont. De fortes courbes (m, pl. 2 bis et 6) les relient à la coque. Au-dessus des bancs et dans toute la longueur, règnent deux lisses intérieures. La première (n, fig. 4, 5 et 6), située à 20 centimètres au-dessus du banc du milieu, soutient le plat-bord. La seconde (o), appelée faux plat-bord, court parallèlement à la première, à moitié distance entre elle et les bancs. La coque se trouve ainsi parfaitement consolidée dans les hauts.
A l'extérieur, un liston en chêne (q) relié au faux plat-bord sert de point d'attache aux guirlandes en corde qui entourent le canot. Sous l'embarcation, à 66 centimètres de chaque côté de la quille et parallèlement à elle, deux ventrières (R, fig. 1 et 6), longues de 5 mètres, soutiennent la coque lorsque le canot est sur son chariot. Ces ventrières correspondent à deux fortes carlingues latérales (S, fig. 6) placées à l'intérieur ; appuyé de cette manière, le canot n'éprouve aucune fatigue sur son chariot.
L'étrave et l'étambot (C, D, fig. 1 et 2 bis) portent à leur tête un davier (d) avec un réa de poulie pour recevoir les amarres de halage et le cablot de l'ancre. Ils sont percés à leur base et à travers la bande de fer qui les relie à la quille, d'un trou pour le passage des bosses qui retiennent le canot sur son chariot.
En dedans du davier, l'étrave porte une ferrure (a, fig. 1) servant de point d'attache au margouillet de l'amure de foc.
A côté du davier de l'étambot, un second réa plus petit que le premier, placé dans un clan, reçoit une ligne qui sert au patron à démonter le gouvernail ou à l'élever au moment du lancement et de l'accostage. A sa base, l'étambot porte la ferrure du gouvernail que nous décrivons plus loin et une ferrure munie de deux crocs à échappement pour recevoir les cordes de lancement (à pl. III, fig. 1 ; pl. IV, fig. 11).


Les caisses à air

Les caisses à air sont destinées à rendre le canot insubmersible en ne laissant à l'eau de mer qu'un espace très restreint, soit sur le pont, soit dans la cale, si une avarie à la coque lui permettait de s'y introduire. Les caisses à air (T, pl. III, fig. 2, 4, 5 et 6) sont au nombre de vingt-huit, réparties de la manière suivante : deux coffres formés à l'avant et à l'arrière par la coque, les tambours et les cloisons verticales ; quatorze caisses dans la cale et douze sur le pont.
Les tambours sont recouverts d'une toile imprégnée de glu marine et, par-dessus,de plaques de liège que l'on imbibe ensuite d'huile de lin bouillie. Les autres caisses en bois et cou-ertes en toile s'adaptent aux formes de l'embarcation, suivant la place qu'elles occupent.
Les quatorze caisses de la cale reposent sur les varangues. Huit d'entre elles occupent de chaque côté l'espace entre la carlingue du milieu et les carlingues latérales, les six autres sont rangées entre ces carlingues et les côtés de l'embarcation.
Ces caisses constituent, un perfectionnement considérable apporté l'année dernière à la construction des canots de sauvetage. Jusque-là on avait rempli une partie de la cale avec de petits morceaux de liège destinés à faire l'office de flotteurs en cas d'avaries dans la coque. Ce système avait l'inconvénient de charger inutilement l'embarcation et de ne remplir qu'imparfaitement son objet. Les caisses actuelles forment, en réalité, une coque intérieure séparée de la première par un espace de 5 centimètres (épaisseur des varangues), et divisée eu seize compartiments étanches et isolés.
Sur le pont, les caisses sont disposées en abord, sous les bancs, et retenues par de simples tasseaux en bois de manière à pouvoir être enlevées facilement. Trois lattes en bois de chaque-bord, clouées sur les bancs, forment au-dessus des caisses une sorte de toit qui les préserve de toute avarie.



Puits à soupape

Il ne suffit pas qu'une embarcation de sauvetage soit insubmersible. Si l'eau qui remplit le coffre ne la fait pas sombrer, elle lui enlève ses qualités nautiques en la surchargeant et incommode l'équipage, dont, en hiver, elle peut même paralyser entièrement les forces. Sur les barres et dans les brisants, il arrive continuellement que des lames déferlant à de courts intervalles remplissent le canot, que l'équipage est impuissant à vider. Une simple application du principe d'Archimède obvie à ce danger. Le pont se trouvant à 80 centimètres au-dessus du niveau de la mer; il a suffi d'établir des puits verticaux traversant le canot de part en part pour que l'eau s'écoulât d'elle-même, comme le fait un liquide versé dans un entonnoir.
Ces puits sont au nombre de six (u, pl. 111, fig. 2, 2 bis et 6), disposés au centre du pont. Leur diamètre est de 14 centimètres. Toute l'eau que peut contenir le coffre de l'embarcation s'écoule par leurs orifices en vingt ou vingt-trois secondes. Afin d'empêcher l'eau de remonter par ces puits, lorsqu'il fait grosse mer, on les a munis intérieurement d'une soupape automotrice (pl. IV, fig. 8, 9 et 10), qui cède seulement à une pression venant du dessus.

Redressement spontané

Avant de passer outre à la description des installations de détail du canot de sauvetage, il important de faire connaître la troisième qualité qui le rend éminemment propre à remplir sa mission. Il est impossible de construire un canot complètement inchavirable. Lorsqu'il s'agit par tous les temps d'affronter des brisants, de traverser des barres, et d'accoster des navires en détresse, le coup d'oeil du patron le plus habile peut se trouver en défaut pour parer une lame, les forces de l'équipage peuvent le trahir au moment où il cherche à écarter des flancs du bâtiment l'embarcation que la mer précipite dessus. Si, en pareil cas, le canot chaviré ne peut se relever de lui-même, l'équipage naufragé perd tout espoir de salut ; les sauveteurs eux-mêmes, bien que soutenus par leurs ceintures, sont très exposés, pour peu que le lieu du sinistre soit éloigné du rivage. L'opinion est à peu près unanime pour considérer la propriété du redressement spontané comme indispensable à un canot de sauvetage. Cette propriété est obtenue au moyen de la fausse quille en fer et des coffres à air de l'avant et de l'arrière. On pourrait croire à première vue que ces coffres sont, par mauvais temps, un obstacle à la marche de l'embarcation ; mais, en réalité, il n'en est rien, car, s'ils n'existaient pas, les hommes qu'ils abritent offriraient la même surface au vent.
Lorsque le canot est chaviré, il porte sur les deux coffres, dont la forme en dos d'âne, rappelant celle d'une barrique, est déjà une cause d'instabilité. Dans cette situation, le centre de gravité est, en outre, très-élevé au-dessus du plan de flottaison de tout le système : le canot se trouve donc, en équilibre instable, comme la boule du bilboquet placée sur un manche à surface convexe. Si aucune force n'intervient, si aucun mouvement ne se produit, le canot reste dans cette position ; mais, dès qu'une cause extérieure le dérange le moindrement de sa position, ce qui ne saurait manquer d'arriver même par belle mer, l'équilibre est détruit, l'embarcation se retourne vivement et reprend son assiette normale.


Accessoires et objets d'armement

Accessoires et objets d'armement - Planche IV - 1

Accessoires et objets d'armement - Planche IV - 2


Gouvernail

Le gouvernail se manoeuvre au moyen d'une barre franche (b. pl. III, fig. 1) ou d'une barre à tire-veilles (pl. IV, fig. 17). L'obligation de le relever pour lancer et remonter le canot a nécessité l'adoption d'un système particulier d'attache à l'étambot.
L'étambot porte, comme à l'ordinaire, un femmelot fixé à la partie supérieure ; mais l'aiguillot, fixé à la partie inférieure, s'élève parallèlement à la face arrière, presque à la hauteur du liston qui entoure le canot (pl. III, fig. 1). De son côté, le gouvernail porte en bas un femmelot comme d'habitude, et l'aiguillot supérieur est remplacé par un long tube qui s'engage d'abord dans le femmelot de l'étambot, puis dans la tige dont nous avons parlé tout à l'heure. De cette manière, le gouvernail peut monter et descendre à volonté, sans risquer de se détacher de l'arrière. Ce mouvement s'opère au moyen d'une ligne fixée à la mèche du gouvernail, passant dans le réa de poulie placé sur la face bâbord de la tête de l'étambot et amarrée à portée du patron. Au moyen de la barre à tire-veilles et de cette ligne, le patron peut en outre démonter facilement, le gouvernail et l'embarquer sans monter sur le tambour, ni s'exposer ainsi à être enlevé par la mer.
Il est des circonstances où le patron est plus sûr de sa manoeuvre en gouvernant avec un aviron. A cet effet, deux grands avirons ayant 5,85 m de long, appelés avirons de queue, sont compris dans l'armement du canot de sauvetage, et quatre fourches sont disposées sur le plat-bord de chaque côté de l'étrave et de l'étambot, afin que le canot puisse être gouverné de l'avant ou de l'arrière, lorsque les circonstances ne permettent pas d'évoluer pour changer de direction.


Bittons de halage (pl. III, fig. 1, 2 bis, 4 et 5)

Deux bittons de halage sont établis à poste fixe à tribord et à bâbord, à toucher la cloison arrière ; un troisième, mobile, est placé à toucher le milieu de la cloison avant, dans l'emplanture du mât de misaine. On enlève ce dernier pour établir la voilure.


Installations pour aller à l'aviron

Les avirons de nage, au nombre de quinze, dont trois de rechange, sont en frêne. Les plus grands ont 3,80 m de longueur. Les manches sont ronds, garnis de cuir au portage des tollets, et de plomb auprès de la poignée afin d'équilibrer l'aviron. Les estropes ou cordes, employées habituellement à maintenir les avirons dans la nage, sont remplacées par des crochets munis d'une douille dans laquelle passe le tollet. Lorsqu'on laisse aller les avirons, ces crochets tournant autour du tollet maintiennent, élongé en dehors du canot, l'aviron retenu par une aiguillette ou corde.
Des anneaux en corde garnis de cuir, amarrés à une ligne près de chaque tollet, tiennent lieu des crochets, si ceux-ci viennent à être brisés. Les matelots peuvent également se servir de ces anneaux pour y passer leur bras, afin d'éviter d'être enlevés par la mer dans les grands mouvements de l'embarcation, ou si celle-ci venait à chavirer.
Les marchepieds (Z, pl. III, fig. 1 et 2 bis), qui servent de point d'appui aux pieds des nageurs, sont faits au moyen de planches inclinées, maintenues sur le pont par deux taquets placés en arrière.



Mâture et voilure (pl. IV, fig. 12)

Le canot de sauvetage porte un mât de misaine de 4,69 m, placé dans l'emplanture du bitton de l'avant, et un grand mât de 4,56 m placé sur la face arrière du quatrième banc à partir de l'avant. La voilure se compose de trois voiles : un foc s'amurant sur l'étrave, une misaine et une grande voile s'amurant aux pieds de leurs mâts respectifs et n'ayant pas besoin conséquemment d'être changées avec les amures. Les surfaces de voilure sont : pour le foc, de 1,74 m2 ; pour la misaine, de 8,19 m2 ; pour la grande voile, de 6,30 m2 ; soit, en tout, 16,23 m2. En comparant cette surface à celle du rectangle circonscrit à la flottaison, qui est de 15,91 m2, on voit qu'elle est très-réduite, en raison des circonstances de temps clans lesquelles le canot est appelé à naviguer : Ce rapport est de 1.06, tandis qu'il est généralement de 2.60 à 2.75. La misaine et la grande voile portent, en outre, deux bandes de ris qui permettent encore d'en réduire les dimensions. Le centre de voilure (V) est, toutes les voiles hautes, à 2,72 m au-dessus de la flottaison et à 0,50 m, c'est-à-dire à 1/18° en avant du centre de gravité de la surface de flottaison, en charge, position très-favorable à l'allure du plus près. Pour les embarcations des navires de guerre, cette proportion varie entre 1/12° et 1/12°.



Objets d'armement

Les objets d'armement et. accessoires du canot autres que ceux dont nous avons donné la description comprennent les articles suivants :
Ligne de sauvetage intérieure de 50 millimètres et de 13 mètres de long, à laquelle sont retenus les anneaux et les flotteurs. Cette-ligne est élongée entre le plat-bord et le faux plat-bord.
Ligne de sauvetage extérieure, tannée, de 50 millimètres et de 32 mètres de long, disposée en guirlande autour du canot et servant de marchepied pour embarquer.
Compas à liquide muni d'un fanal, placé dans une boîte en teak (g, pl. III, fig. 2 bis et 4, pl. IV, fig. 13), sur le pont, à toucher la cloison arrière et le bitton de tribord. La partie de la boîte s'ouvre en dedans, de manière que le patron ait la rose sous les yeux.
Quatre défenses en bois suspendues en dehors du canot et s'emboîtant dans le liston.
Une lance plombée amarrée à une ligne tannée de 15 millimètres et de 40 mètres de long, pour envoyer à terre ou à bord d'un navire.
Un plomb de sonde de 1,600 kg avec une ligne de 10 millimètres et de 30 mètres de long.
Une poulie simple estropée à un fouet de 70 millimètres et de 2 mètres de long.
Trois bachots (un grand et deux petits).
Deux seaux en bois, dont un percé au fond de trois trous. Ce seau est destiné à contenir le fanal, dont il manque la lumière.
Un fanal, en fer blanc (pl. IV, fig. 14).
Un porte-voix en fer-blanc.
Une ancre de 26 kilogrammes (fig. 15).
Un grappin, de 7 kilogrammes (fig. 16).
Trois grappins d'abordage à quatre branches (fig. 16).
Une ancre flottante (fig. 18), formée d'un sac conique en toile. Ce sac est filé derrière le canot pour l'empêcher d'être jeté en travers au vent et à la lame lorsqu'il fait vent arrière. Un faux bras est amarré à l'oeil placé au sommet du cône, un autre à la patte-d'oie placée à sa base. Lorsque le sac est traîné par le premier faux-bras, il glisse sur l'eau ; si, au contraire, il est traîné par le second, le cône se remplit d'eau, et offre une grande résistance. Jeté à l'avant, cet appareil maintient également, le canot debout au vent.
Un câblot en chanvre goudronné de 80 millimètres et de 82 mètres de long.
Un suspensoir de câblot de 60 millimètres et de 6 mètres de long pour amener l'ancre une fois haute à portée du brigadier.
Deux cartahus tannés pour grappin et ancre flottante, l'un de 80 millimètres et de 38 mètres de long, l'autre de 70 millimètres et de 36 mètres de long.
Un cartahu en filin blanc de 45 millimètres et de 116 mètres de long.
Deux clefs à soupape en cuivre.
Seize ceintures de sauvetage en liège (fig. 19).
Dix estropes en corde recouvertes de cuir retenues par des lignes de 70 centimètres de long à la ligne de sauvetage intérieure (pl. III, fig. 2 bis et 8).
Dix flotteurs en liège retenus par des lignes de 2 m. 60 à la ligne de sauvetage intérieure (pl. III, fig. 6).
Une bouée de sauvetage annulaire en liège recouvert de toile peinte, appliquée contre la cloison arrière du canot (p. III, fig. 4).
Une petite boîte à ustensiles fixée contre la cloison avant.
Un baril, de galère plat contenant de l'eau douce.


LE CANOT EN BOIS REDRESSABLE DE 10M10 A 10 AVIRONS

Le canot de 10,10 m en bois redressable est construit par Augustin Normand ; c'est une extrapolation-améliorée du canot de 9,78 m. 48 unités sortiront du chantier entre 1878 et 1907.

Caractéristiques du canot de 10,10 m à 10 avirons :

Longueur : 10,10 m
Largeur au maître bau (au plus large) : 2,27 m
Creux : 0,975 m
Tirant d'eau à vide (lège) : 0,51 m
Tirant d'eau en charge (avec 12 hommes d'équipage) : 0,55 m
Déplacement en charge : 3.500 kg
Redressement spontané : 5 secondes
Evacuation de l'eau après redressement : env. 25 secondes

Ce canot de 10,10 m est plus grand d'un pied environ, plus précisément de 32cm. A part cela, trois différences notables :

  • Ses lignes d'eau sont plus travaillées et le canot est plus hydrodynamique.
  • Afin d'améliorer sa tenue à la voile (la surface est inchangée), il est davantage lesté par des bandes de plomb situées de part et d'autre de la quille. Certaines stations les feront supprimer.
  • L'adoption de caisses à air en cuivre au lieu de caisses en bois feront gagner quelques kilogrammes. Les caisses en cuivre sont moins étanches, mais du fait de leur "déformabilité", ils sont plus solides à l'impact.


LE CHARIOT DES CANOTS DE SAUVETAGE DE 9M78 ET 10M10

La qualité essentielle d'un canot de sauvetage consiste dans la sécurité qu'il donne aux marins de son équipage et aux naufragés recueillis par lui. Mais il importe également que ce précieux engin soit constamment tenu en état de prendre la mer au premier signal d'alarme, qu'on puisse le transporter rapidement à proximité du navire en détresse et le lancer sur toutes les plages par tous les temps. Le chariot est le complément indispensable de tout canot de sauvetage.

Ce "véhicule" comprend un corps et un avant-train.


Le Corps

Il représente une sorte de ber ou berceau, reposant sur un essieu fortement cintré que supportent deux grandes roues. Pour établir ce berceau, on assemble, au moyen de trois entretoises en tôle, deux fortes longrines en chêne de 6 mètres 40 de longueur, doublées de tôle sur les faces extérieures.

Ces longrines espacées de 13 centimètres portent en outre :
9 rouleaux en fonte traversés par des boulons qui leur servent d'axe;
4 taquets d'amarrages en fer ;
A l'arrière, un tasseau vertical maintenu en dessous des longrines par deux tirants. Ce tasseau sert de support à l'appareil lorsque l'élévation du lieu de lancement au-dessus de la mer, oblige d'incliner le chemin de quille pour former un plan incliné.

Au-dessus du tasseau, sur les faces extérieures des longrines, deux poulies, dites chaumards, dans lesquelles passent les cordes de lancement ;
A l'avant, un lisoir, deux jantes et une sassoire, boulonnés en dessous, correspondant aux pièces analogues de l'avant-train ; plus en avant encore, une ferrure courbe embrassant les deux têtes des longrines.
Deux longrines latérales plus courtes que les premières sont reliées entre elles et aux grandes longrines par 4 courbes en bois qui complètent la charpente du berceau. Le canot repose par sa quille en fer sur les rouleaux, et par ses ventrières sur les longrines latérales. Les quatre longrines, pièces principales du berceau, pointent à encastrement sur l'essieu fait de bois d'orme de 20 centimètres d'équarrisssge et doublé de chaque côté en tôle ; deux grands tirants fixés aux faces latérales des longrines et à la face supérieure de l'essieu consolident l'assemblage. Ils portent au milieu deux crochets auxquels on suspend les chantiers à rouleaux .
Les fusées d'essieu sont en fer, inclinées en dehors de manière à donner de l'évasement aux roues.
Les roues ont 1 mètre 80 de diamètre, leurs jantes de 23 centimètres de largeur sont armées de trois fers juxtaposés. Celui du milieu est en saillie sur les autres, de manière à porter seul sur le sol dans les terrains durs, taudis que dans le sable les roues portent dans toute leur largeur. Les boîtes des roues sont en bronze. En dehors des moyeux, et retenues par les clavettes des fusées d'essieu, des rondelles à anneaux servent d'attaches aux chaînes qui terminent les cordes de halage.


L'avant-train


Des roues de 1 mètre 25 de diamètre établies de la même manière que les grandes roues supportent une sellette en orme de 15 centimètres d'équarrissage. Deux armons en frêne reliés à l'essieu portent en arrière une partie de cercle et une jante horizontale, en avant une seconde jante et une volée. Ils reçoivent entre leurs branches le timon. La sassoire des grandes longrines repose sur la partie de cercle des armons, tandis que leur lisoir et leurs jantes portent sur un rond de friction encastré dans l'essieu et dans les jantes des armons. Une cheville ouvrière traverse le lisoir et la sellette.
La volée est consolidée à ses deux extrémités par des tirants en pattes d'oie boulonnées à l'essieu. Elle est munie de deux palonniers. Le timon se relève à volonté. L'espace vide entre l'essieu et la volée est occupé par deux caillebottis sur lesquels on place les cordes, poulies et autres objets nécessaires pour la manoeuvre.
Les chariots anglais qui ont servi de modèles à ceux de la Société centrale ont deux brancards au lieu de timon. Les armons ne se prolongeant pas autant à l'arrière de l'essieu n'ont pas d'arc de cercle, et l'extrémité du chemin de quille formé par des longrines ne repose que sur le rond de friction de l'avant-train que le poids des brancards, de la volée, des caillebottis, etc., tend à faire tomber en avant. Il en résulte que la cheville ouvrière s'opposant seule à ce mouvement de bascule, s'enlève avec difficulté et se trouve souvent faussée. La Société centrale a dû faire transformer, conformément au modèle adopté par elle, les premiers chariots achetés en Angleterre.
Quelques chariots destinés à des stations où le canot doit être toujours mis à la mer au même endroit, n'ont dès lors qu'un seul rôle à remplir, celui d'instrument de lancement. L'avant-train à deux roues a été remplacé par une seule roue située au milieu sous les longrines.

ACCESSOIRES DU CHARIOT

Les accessoires du chariot comprennent :
Deux harnais complets pour les chevaux;
Deux cordes de halage terminées par des chaînes que l'on fixe, au moyen de manilles, dans les rondelles à anneaux adaptées aux bouts du grand essieu ;
Une corde de 34 mètres de long et de 70 millimètres de circonférence, terminée par un long croc en fer. Lorsque l'embarcation revient de la mer et accoste la plage, on introduit le long croc dans un trou pratiqué à cet effet à la partie inférieure de l'étrave, et les riverains liaient dessus pendant que d'autres hommes engagent successivement sous la quille les chantiers à rouleaux.
Deux poulies coupées à pantoires pour haler le canot sur le chariot ; les pantoires se terminent par des cosses ; des bagues sont épissées au cul des poulies.
Deux cordes de lancement de 41 mètres de long et de 70 millimètres de circonférence ; un de leurs bouts porte des cosses en avant desquelles sont fixés, en travers sur la corde, des cabillots.


MANOEUVRES A FAIRE POUR LE LANCEMENT DU CANOT AINSI QUE POUR SON HALAGE A TERRE

Les manoeuvres à faire pour lancer le canot et le remettre sur son chariot sont expliquées dans une instruction affichée dans toutes les stations.


Préparatifs

Le canot repose sur son chariot dans l'abri, l'arrière du côté du timon, l'étrave sur l'arrière-train, il doit contenir tout son armement ordinaire. Les cosses des cordes destinées au lancer sont crochées au croc à échappement correspondant du bas de l'étambot, elles passent ensuite de dessus en dessous dans le réa placé du même côté de l'arrière du chariot et sont amarrées après avoir été roidies à un des taquets situés vers le milieu et au-dessous de la coulisse.

Une forte retenue épissée à l'extrémité de cette coulisse passe dans un trou percé au bas de l'étambot et s'amarre au taquet voisin. Elle s'oppose au mouvement en arrière du canot pendant la marche, et les cordes destinées à le sailler en dehors l'empêchent de glisser sur les chevaux dans les descentes. Ces deux amarres suffisent pour maintenir le canot sur son chariot. Si pendant la marche, les ventrières ne portant pas bien sur le ber, on remarquait du ballottement, il suffirait de les coincer légèrement pour éviter les secousses.


Mise à l'eau

Arrivé au point où le canot doit être lancé, le chariot est, suivant les circonstances, conduit dans la mer et retourné rapidement, ou évité d'abord et, avant que l'équipage ne monte dans le canot, reculé jusqu'à ce que celui-ci, présenté l'avant aux brisants, puisse bien flotter une fois lancé.
Sur une côte très plate et n'offrant de profondeur suffisante qu'à une grande distance du rivage, on peut, si la force des chevaux le permet, faire placer l'équipage dans l'embarcation avant de cheminer dans l'eau.
En général il vaut mieux retourner le chariot avant d'arriver au bord de l'eau, retirer les chevaux, et, avec l'équipage et les hommes de bonne volonté, le pousser par les brancards, l'avant du canot toujours debout à la mer, jusqu'à ce que celui-ci puisse flotter sans risque de talonner.
L'embarcation ainsi convenablement présentée, les canotiers revêtus de leurs ceintures, assis à leurs bancs, tiennent les avirons à la main, prêts à nager vigoureusement ; le gouvernail est soulagé et sa sauvegarde prête à être larguée dès que le canot aura abandonné son chariot, le sous-patron a l'aviron de queue toujours placé du côté du vent, les cordes de lancement sont élongées et mises entre les mains des gens venus pour aider à la manoeuvre ; si les hommes de bonne volonté manquaient, on pourrait y atteler un cheval.
Tout étant bien paré et un homme placé à la retenue de l'arrière prêt à la larguer, le patron veille l'embellie et au moment favorable donne l'ordre « Envoyez ! » auquel la retenue est larguée en même temps que les hommes et les chevaux rangés sur les cordes halent en remontant la plage le plus vite possible.
Le canot ne portant que sur les rouleaux de la coulisse, glisse rapidement en dehors ; et, l'équipage nageant aussitôt avec ses avirons, il prend de l'erre et gagne le large avant que la mer puisse le rejeter en travers à la côte, ce qui arriverait infailliblement si on voulait le mettre à l'eau sans l'aide du chariot.
Aussitôt le canot à flot, les chevaux ou les hommes restés à terre tirent le chariot en dehors de l'eau, préparent les rouleaux et les cordes de halage pour le hisser à son poste.



Remise du canot sur son chariot

Le canot revenu de la mer doit être aussi vite que possible sorti de l'eau ; et, s'il ne peut accoster assez près pour être halé directement sur son chariot, on doit le traîner d'abord sur les rouleaux à l'abri de la mer dans la partie la plus sûre de la plage.
L'emploi intelligent des rouleaux facilite beaucoup le halage et permet de transporter facilement le canot sur un sable mou ou sur une côte très inclinée jusqu'à ce qu'il puisse être mis sur son chariot.
Lorsque le canot accoste le rivage, un ou deux hommes placent promptement un rouleau sous l'étrave pendant qu'un autre croche le long croc de la corde de halage dans le trou de l'extrémité avant de la quille. Deux autres tiennent le second rouleau prêt à être placé lorsque le milieu du canot sera arrivé sur le premier qui, le mouvement continuant, est reporté en avant lorsque le second est dans la même position, et ainsi de suite ; l'équipage saute en dehors et aide à la manoeuvre, deux hommes de chaque bord maintiennent le canot qui est conduit à distance suffisante. S'il faut changer de direction pendant le halage, le rouleau tournant à plate-forme est placé à l'endroit où doit avoir lieu ce changement ; lorsqu'il supporte le milieu du canot, il est facile de faire tourner celui-ci dans tous les sens, et de continuer à s'avancer dans la nouvelle direction avec les deux premiers rouleaux.
L'avant-train est détaché du chariot et la coulisse reposée à terre, le bout sous l'étrave du canot, formant un plan incliné sur lequel on peut facilement remonter.
Les pantoires des poulies coupées sont crochées aux crocs de l'étambot, les bagues du cul de ces poulies passées dans la cosse des cordes de halage et baguées au cabillot fixé en travers ; ces cordes sont passées dans les chaumards de la coulisse, puis dans les poulies ; elles retournent ensuite entre les roues, et sont mises aux mains des travailleurs, qui agissent ainsi au moyen d'un palan d'une force très suffisante.
Un petit nombre d'hommes sur les garans peuvent haler le canot sur le chariot, deux ou trois le soutiennent de chaque bord jusqu'à ce que les ventrières reposent sur le ber. Lorsqu'il est suffisamment hissé, ses retenues sont mises en place et les palans amarrés. L'avant-train une fois attaché, tout est prêt pour le transport.
Les cartahus à croc placés sur l'extrémité des essieux et hâlés par l'équipage et les volontaires servent à aider les chevaux dans les montées, descentes ou passages difficiles.
Les roues du chariot doivent être de temps en temps démontées et les essieux graissés. Le cric compris dans l'armement de chaque canot est destiné à cet usage.